Monteriano

Category: Livres,Romans et littérature,Romans historiques

Monteriano Details

Publié en Angleterre en 1905, traduit en français en 1954 par son ami, l'écrivain et critique Charles Mauron, Monteriano est le premier roman d'E. M. Forster. Quelques années avant le célèbre Avec vue sur l'Arno (adapté au cinéma en 1986 par James Ivory sous le titre Chambre avec vue), Forster y explore déjà le thème du voyage initiatique et du choc des cultures: la société anglaise étriquée de Sawston confrontée aux sortilèges d'un petit coin d'Italie, modelé sur la cité toscane de San Gimignano. "Philippe fixait son regard sur le campanile d'Airolo. Mais ce sont les images du beau mythe d'Endymion qu'il voyait. Cette femme restait, jusqu'à la fin, une déesse. Nul amour ne pouvait être dégradant pour elle : elle était hors de ce qui se dégrade. Ce dernier épisode, qu'elle jugeait si vil, qu'il jugeait si tragique, lui offrit, en tout cas, une beauté suprême. Philippe se sentit porté à une hauteur telle qu'il eût pu, désormais, sans regret, avouer à la jeune fille sa propre adoration. A quoi bon ? Tout le merveilleux était arrivé."

Reviews

"Mais quelle fraîcheur, quel charme!" lit-on sous la plume de Virginia Woolf à propos du premier roman de son ami E. M. Forster: "Monteriano" est un livre gracieux assurément, avec de l'enjouement, de la fantaisie et de la légèreté... et cependant, d'une manière inattendue, grave, poignant. Les admirateurs fervents de Henry James seront ravis à la lecture d'un roman dont les thèmes ainsi que les personnages rappellent d'assez près l'univers du grand maître américain. Mrs Herriton, parangon de la morale bourgeoise et puritaine, est scandalisée: une jeune veuve, sa belle-fille Lilia, s'est fiancée avec un Italien d'obscure naissance dans la petite cité de Monteriano. Absolument shocking! Le fils de famille, Philippe, est immédiatement envoyé en Italie pour ramener la jeune femme à la raison. Peine perdue! Quelque temps plus tard, les enfants de Mrs Herriton seront de retour dans la joviale petite bourgade, chargés d'une mission tout aussi délicate. L'intrigue et ses imprévisibles rebondissements se doublent d'une exquise étude de caractères indissociable d'une réflexion amusée sur le thème du voyage et de la rencontre avec l'étranger. L'insupportable Harriet, enfermée dans ses principes moraux, ne saurait être touchée par les séductions de la péninsule, ses habitants et ses m?urs. Son frère, Philippe (comme il ressemble à tous ces jeunes hommes, déjà vieux garçons, cultivés et sensibles, mais inaptes à l'action, qui peuplent les romans "célibataires" de la fin du XIXème siècle!), aime l'Italie en esthète: la désinvolture des Italiens le distrait, mais il ne se départ pas de la nature flegmatique des Anglais. "Vous regardez la vie comme un spectacle, vous n'y entrez jamais; vous la trouvez drôle ou belle" lui lance - avec quel discernement! - la très discrète Caroline Abbott. Le voyage se résume pour lui à une observation à distance: il n'est qu'un touriste. Si E. M. Forster s'amuse des différences culturelles, des rencontres manquées entre ses concitoyens puritains et de très spontanés méridionaux, pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître, "Monteriano" peut se lire plus sérieusement comme une fable politique: incapable de remettre en question la sévérité de leurs principes, Mrs Herriton et Harriet agissent au sein de la communauté familiale, comme sur l'échiquier mondial les Britanniques colonisant les terres de l'Empire. Elles ne peuvent accepter qu'une femme s'émancipe à l'étranger, ou qu'un enfant soit éduqué selon d'autres valeurs que les leurs. Elles se croient supérieures. Comme le souligne l'excellente préface de Catherine Lanone (une préface infiniment précieuse pour entrer dans le monde d'E. M. Forster, mais à lire après le roman car elle déflore l'intrigue), le c?ur des Anglais est atrophié: "Ce n'est pas que les Anglais soient froids et n'aient pas de c?ur, c'est juste que, systématiquement, on s'emploie à le réprimer, non le développer - "an undevelopped heart - not a cold one", dit Forster dans son recueil d'essais "Abinger Harvest"." Le roman dramatise le dénouement pour illustrer les ravages de la fausse vertu et du puritanisme: croyant faire le bien au nom de la morale, Harriet ne fait que répandre le mal autour d'elle... Cependant qu'à Monteriano dans la chaleur de l'été, s'accomplissent les miracles: ce sont d'abord les esprits qui chavirent dans le théâtre, emportés par la musique de Donizetti, les cris, la joie d'une salle soulevée par une irrépressible houle de bonheur. Et cet autre miracle, plus étonnant encore: un c?ur de femme s'italianise; une Anglaise se stendhalise, s'inscrit dans le décor d'une loggia pour devenir une Madone à l'Enfant, un tableau vivant qu'aurait peint Bellini, Signorelli ou di Credi - pages merveilleuses, stendhaliennes... En quelques instants, le voyage transfigure les âmes; la beauté en terre étrangère éveille et révèle la qualité d'une belle personne. Certes, la transfiguration, dans ce premier roman, n'est pas absolue: les protagonistes retournent au pays natal, captifs de lourdes chaînes familiales et sociales... Mais déjà, à Monteriano, par ses leçons universelles de tolérance et d'amour, E. M. Forster enchante.

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